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La gestion de l'argent de poche des résidents et sa réglementation en ESMS

Sébastien VRAY
Directeur Général de Ezio

La gestion de l'argent personnel pour les personnes accueillies en établissements médico-sociaux est un aspect crucial de leur vie quotidienne et de leur autonomie. Il est essentiel de reconnaître que chaque personne a le droit d'en avoir et de le dépenser. Pour les personnes majeures, il est d'ailleurs plus approprié de parler d'argent de vie ou d'argent personnel plutôt que d'argent de "poche", un terme qui peut être perçu comme infantilisant et inapproprié.

Cadre juridique et droits financiers des personnes protégées

En France, la loi encadre strictement la protection juridique des majeurs vulnérables, via des mesures de protection. Selon la réglementation, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération médicalement constatée peut bénéficier d'une mesure de protection juridique. C'est le juge des tutelles qui détermine le degré de protection approprié, lequel doit être proportionné et individualiser la mesure, tout en respectant les libertés individuelles, les droits des personnes fondamentaux et la dignité de l'individu.

  • La curatelle est une mesure d'assistance et de contrôle pour les personnes ayant besoin d'aide dans les actes graves de la vie civile. En curatelle simple, la personne gère ses fonds elle-même. En curatelle renforcée, le curateur lui remet l'excédent après règlement des dépenses.
  • La tutelle est une mesure de représentation continue dans tous les actes de la vie civile, impliquant une incapacité complète de la personne à pourvoir seule à ses intérêts. Le budget et l'emploi des sommes liquides sont arrêtés par le conseil de famille ou le juge tutélaire en fonction des ressources du majeur protégé.

Légalement, c'est aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM), qu'il s'agisse de membres de la famille ou de professionnels, d'organiser et de suivre la les mouvements des personnes qu'ils protègent.

Le personnel des ESMS, notamment les éducateurs, ne sont pas, en principe, autorisé à manipuler les liquidités des résidents. Cela peut être considéré comme illégal et source potentielle de malversations, car ce n'est pas le rôle d'un éducateur de jouer au banquier.

Calcul du montant de l'argent personnel

Le coût d'une place en foyer d'hébergement peut être significatif, par exemple, 126,31 € par jour, soit environ 3 852,45 € par mois. Si une personne ne peut pas payer la totalité, elle peut bénéficier de l'aide sociale du Département, qui peut financer environ 80% du coût. La Caisse d'Allocation Familiale peut également verser une aide au logement.

La personne bénéficiaire doit participer financièrement à son hébergement en fonction de ses ressources. Une part de ses ressources, ainsi que 100% de ses aides au logement, sont affectées au coût de l'hébergement.

Cependant, les personnes accueillies conservent chaque mois une somme minimale pour ses dépenses personnelles pour couvrir leurs besoins. Le Règlement Départemental d’Aide Sociale de Paris, par exemple, indique qu'au 1er janvier 2024, un minimum de 127,10 € par mois est laissé à disposition du bénéficiaire parisien dans un établissement public assurant un hébergement complet.

Pour une personne handicapée ne travaillant pas, elle conserve 10% de ses ressources mensuelles, sans que ce montant ne puisse être inférieur à 30% du montant de l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH). Pour une personne handicapée percevant une aide au travailleur privé d'emploi, en stage de formation professionnelle ou de rééducation, elle conserve un tiers de ses salaires et 10% de ses autres ressources, sans pouvoir être inférieur à 50% du montant de l'AAH.

Le montant de l'AAH est un facteur clé dans ce calcul. À titre indicatif, le montant maximal à taux plein de l'AAH passe à 1 033,32 € par mois à compter du 1er avril 2025.

Autonomie et défis pratiques

Dépenser son argent est un signe fort de liberté et d'autonomie. Cela permet à les résidents de faire des choix, d'interagir avec le monde extérieur (aller au café, faire des courses) et de maintenir un sentiment de dignité et d'indépendance. C'est un marqueur de l'autonomie relationnelle, où l'individu se construit dans sa relation à l'autre et à son environnement.

Cependant, cette promotion de l'autonomie se heurte à des contraintes :

  • Le risque de voir la personne abusée ou spoliée si elle gère seule son budget, ce qui engage la responsabilité de la structure d'accueil. La réglementation prévoit qu'aucune personne, excepté le mandataire ou tuteur du résident, ne peut manipuler ses liquidités. Si des biens et valeurs ont été déposés auprès du régisseur ou des les responsables comptabilité dans les établissements de santé publics, ou auprès du préposé dans ceux du privé, la responsabilité de la structure est engagée en cas de vol ou détérioration.
  • Les difficultés pratiques liées à l'accès aux services bancaires ou aux distributeurs dans les petites communes.

  • La tension entre la volonté de respecter les choix du résident (par exemple, concernant l'achat de tabac ou de certains aliments) et la mission de protection de la santé de l'établissement. Des cigarettes peuvent être rationnées pour la santé des résidents, mais ceux-ci peuvent ensuite acheter ce qu'ils veulent avec leurs fonds.

Des organismes d'État comme l'Agence Nationale de l'Évaluation et de la Qualité des Établissements et Services Sociaux et Médico sociaux (ANESM), désormais intégrée à la Haute Autorité de Santé (HAS), émettent des recommandations de bonnes pratiques. Elles insistent sur l'importance de l'accompagnement personnalisation et de la participation des personnes protégées et le respect de leurs droits fondamentaux. Elles préconisent également de multiples formes de participation des résidents, comme le Conseil de la Vie Sociale (CVS), qui permet aux résidents de s'exprimer sur le fonctionnement de l'établissement.

La réalité de la gestion de l'argent de poche en établissement

Dans les faits, et malgré le cadre légal, la gestion du pécule personnel des résidents est souvent organisée par les établissements d'accueils et d'hébergement eux-mêmes, qui sont au plus près des personnes.

Cette gestion est très peu détaillée dans les livrets d'accueil des ESMS (foyers de vie, FAM, MAS, etc.), qui se contentent généralement de mentions succinctes sur l'argent personnel, malgré le droit des personnes à choisir ce qu'ils veulent acheter.

Comment les fonds sont-ils mis à disposition ?

En pratique, des professionnels au sein de l'établissement, souvent des agents administratif ou des éducateurs, organisent la mise à disposition des fonds personnels de plusieurs manières :

  • soit en retirant des espèces au guichet d'une banque, via la carte personnel de chaque habitant de l'établissement (et donc en connaissant son code)
  • soit en demandant aux responsables légaux et familles de faire des versements sur le compte de l'établissement, qui les retireront ensuite en liquide.

Les espèces sont stockées dans des caisses, elles mêmes entreposées dans des coffres, centralisé ou dans les chambres des résidents.

Dans les établissements publics, certains ont mise sur la création d'une régie d'avance et de recettes. Dans un établissement médico-social public, une régie d’avance et de recettes permet à un agent de gérer de petites dépenses ou d’encaisser des fonds rapidement, en dehors du circuit budgétaire classique, tout en respectant un cadre comptable précis.

Pour "avoir leur argent" et acheter ce qu'il veulent, chacun en fait la demande auprès du personnel de l'établissement. Certains résidents ne peuvent tout simplement pas gérer et dépenser par eux-mêmes. C'est l'éducateur qui s'en charge. Ce dernier passe chercher des espèces, remis par le personne encadrant, qui le note sur une fiche papier ou sur un tableur.

Autre cas d'usage recensé : l'utilisation de "bons" fournit par les services tutélaires ou de comptes courses ouverts dans les magasins. Dans le premier cas, elle délivre un document papier qui atteste que la dépense peut être effectuée, car la somme sera remboursée au marchand.

Suivi des dépenses

Le suivi de ces mouvements est souvent effectué via des feuilles volantes ou des tableaux Excel par les éducateurs et animateurs d'une part, puis par les comptables, qui saisissent ensuite manuellement les mouvements. Chaque paiement est assorti d'un justificatif.

Le but reste toujours le-même : être transparent en cas de contrôle. Ce suivi permet également de transmettre les informations à qui de droit.

Mais soyons clair. Le suivi des dépenses est un casse-tête vécu comme tel par le personnel soignant, les éducateurs, animateurs et les administratifs. Les directions financières estiment qu'ils jouent à la marchande, à perdre du temps à compter des pièces.

Risques pour les habitants et les structures médico-sociales

La détention et la circulation d’espèces dans les ESMS, notamment via des coffres stockés dans les chambres ou dans des lieux partagés, expose les résidences d'accueil à des risques importants.

Le vol d’argent, qu’il soit commis par un tiers, un résident ou même un intervenant, reste difficile à prouver et à gérer. De plus, la présence d’espèces attise parfois des tensions, voire des agressions entre résidents, en particulier dans les contextes de vulnérabilité ou de troubles du comportement. Cette gestion physique de l’argent fragilise la sécurité des personnes comme celle des équipes, et complexifie la traçabilité comptable.

Quelle solution ?

En matière de gestion de l argent, des solutions technologiques émergent, comme des cartes de paiement dédiées aux professionnels des établissements. C'est le cas d'Ezio, largement utilisé dans les associations pour garantir une traçabilité automatique en temps réel et une élimination les espèces, tout en sécurisant les transactions. Ces outils simplifient la gestion budgétaire et automatisent la comptabilité, faisant gagner un temps précieux au personnel éducatif. Chaque paiement est historisé par personne et des alertes peuvent prévenir si un budget est dépassé. La signature d'un accord clair avec le résident et sa famille ou représentant est aussi essentielle.

En somme, le maintien de l'autonomie des personnes accueillies en environnement médico-social, et en particulier la gestion de l'argent de vie, est un équilibre délicat entre le respect de leur liberté, leur protection et les réalités organisationnelles des structures d'accueil. Il est nécessaire d'adapter les organisations aux besoins individuels et aux besoins spécifiques des personnes, plutôt que l'inverse, pour qu'elles puissent gérer leurs finances et faire leurs choix, même lorsqu'elles bénéficient de mesure de protection.

Sources :

  • Comment gérer l'argent des résidents sous mesure de protection judiciaire, GERONTONEWS, aout 2024
  • Barême de l'argent de poche, Département du Jura, 2024
  • Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, Qualité de vie en Ehpad (volet 3)La vie sociale des résidents en Ehpad, ANESM, 2012
  • Le maintien en autonomie des personnes dépendantes, mémoire d'étude de Nicolas Boutry, EHESP, 2019
  • Gestion financière du majeur protégé

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